Le risque caché de mesurer le taux de succès des innovations
Jun 24, 2025Par Dave Caissy, fondateur du Cercle des leaders de l’innovation
Mesurer le taux de succès des nouveaux produits semble logique… jusqu’à ce que l’on réalise que cela peut faire plus de mal que de bien.
En fait, je dirais que le taux de succès des innovations est un indicateur de performance pernicieux.
(C’est d’ailleurs souvent à ce moment-là que le comité de direction commence à écouter plus attentivement !)
Pourquoi ? Parce que la plupart des organisations ne s’entendent même pas sur ce qu’est un échec.
Quand l’échec n’est pas si simple
Prenons un exemple : un nouveau produit qui génère 1 million de dollars de ventes annuelles pourrait être considéré comme un échec parce que l’on s’attendait à 2 millions de ventes annuelles. On le considère comme un échec parce qu’on en attendait 2 millions. Mais si ce un million était en fait le vrai potentiel ? Et si ce produit permettait de séduire une nouvelle clientèle, qui finit par acheter pour 2 millions de dollars additionnels de vos produits actuels, est-ce encore un échec ?
Autre exemple : un produit ne rapporte pratiquement aucune vente, mais vous fait découvrir une niche inexploitée. L’année suivante, vous lancez un nouveau produit adapté à cette niche… qui génère maintenant 20 millions de dollars par an. Le premier projet était-il un échec — ou une étape nécessaire ?
L’innovation n’est pas linéaire : quelques histoires pour le prouver
Pixar a commencé comme une entreprise de matériel informatique, rachetée par Steve Jobs à la division informatique de Lucasfilm. L’organisation a échoué dans la vente d’ordinateurs puissants. Mais pour démontrer sa technologie, Pixar a créé un court film avec une lampe de bureau — devenu iconique — et a décroché le contrat pour Toy Story. La suite appartient à l’histoire.
Pixar a donc « échoué » à atteindre son objectif initial de vente d’ordinateurs super performants… mais a été vendue pour 7,4 milliards de dollars à Disney. Peut-on vraiment parler d’un échec ?
Le Betamax de Sony n’a pas su surpasser le VHS. Pourtant, la technologie a survécu à travers le Betacam et par la suite le Handycam, qui a révolutionné le marché des caméras vidéos.
Même YouTube a commencé comme site de rencontres. Ce projet a échoué — mais le pivot a donné naissance à la plateforme vidéo que l’on connaît aujourd’hui. L’échec initial était-il vraiment un échec ?
Une métaphore de hockey qui fonctionne
Luc Sirois, Innovateur en chef du Québec, l’explique très bien :
L’innovation, c’est comme le hockey. Le but est de marquer plus de points que l’adversaire. Et pour ça — il faut tirer au but.
Il ne faut pas attendre que le filet soit vide pour tirer. Il faut tenter sa chance le plus souvent possible. Si une équipe effectue 40 tirs et marque seulement deux buts, on dira que le gardien a bien joué — mais l’attaque aussi.
Il faut donc cesser de décourager les tirs ratés. Au contraire, il faut valoriser les tirs fréquents, réfléchis et bien ciblés.
Une leçon concrète : les tirs à faible coût
Dans les produits de grande consommation, les espaces en rayon coûtent cher. Payer pour y figurer réduit le nombre d’occasions de tirer au but. D’où l’importance pour l’innovation de tester à moindre coût.
De petites mises peuvent offrir de grands retours. Mais une erreur coûteuse demandera plusieurs succès pour compenser. L’objectif : multiplier les petits paris à fort apprentissage, plutôt que d’éviter l’échec à tout prix.
Ce qui compte vraiment
Ne mesurez pas les taux de succès ou d’échec. Ils déforment la réalité.
Ce qui compte, c’est le retour sur investissement global de votre portefeuille d’innovation — et non le résultat individuel de chaque projet.
Que je lance 3 ou 12 produits cette année, et que 1 ou 4 soient des réussites, la vraie question est :
Qu’ai-je investi ? Et qu’ai-je obtenu au final, dans l’ensemble ?
Les recherches sont claires
Les études montrent que les retours financiers à long terme issus de l’innovation — notamment via la croissance organique — sont bien supérieurs à ceux obtenus par acquisition. Mais cela demande de la patience.
Les recherches de McKinsey le confirment :
Conclusion
Alors… que pensez-vous de la façon dont on mesure le succès des innovations dans votre organisation ?
N’est-il pas temps de poser la question autrement ?